Je viens du Lac-St-Jean et mon mari de la région de Montréal. Tous les deux avons le français comme langue maternelle. Mais au fil du temps, l’anglais a pointé son nez dans nos vies. Pour lui, ça a été le choix de programme universitaire qui l’a amené à s’immerger dans cette deuxième langue. Pour moi, le bilinguisme est arrivé plus tard, à la mi-vingtaine. À ce moment-là, j’avais vécu 2 ans à Toronto sans avoir besoin de prononcer plus que quelques mots d’anglais. J’étais revenue au Québec choisissant un poste de barista dans un café du centre-ville. En quelques mois, mon niveau de conversation en anglais s’est beaucoup amélioré, mais j’étais encore loin de m’imaginer que ça ferait partie de ma vie quotidienne quelques années plus tard.

Aujourd’hui, j’ai eu envie de partager sur ce thème peu abordé sur les blogues familles : la bilinguisme chez l’enfant.

De la frustration

Je me rappellerai toujours les défis que j’ai vécus à l’âge adulte à vouloir communiquer en anglais avec des clients, puis avec les amis de mon chum, qui est maintenant mon mari. À certains moments, je devenais tellement fatiguée de chercher mes mots que je préférais arrêter de parler ou ne pas sortir avec eux.

Il faut dire que lorsqu’on commence à faire la conversation en anglais, ce n’est pas naturel, on est loin du réflexe, donc la pensée est en français, puis ça doit être traduit mot à mot, puis réaligné pour faire du sens, puis exprimé. Ça prends du temps. Souvent, le temps que mon cerveau passe par ce processus, la conversation était rendue loin. Je n’avais pas eu le temps d’exprimer mon idée. Je trouvais ça très frustrant.

Ça prends beaucoup de patience et d’indulgence envers soi-même pour arriver à entrer dans une conversation de groupe en butant sur les mots.

Mais avec de la pratique, j’ai commencé à être plus à l’aise.

Changer de milieu

Enceinte de mon premier fils, nous avons commencé à magasiner une maison. Nous cherchions un coin familial, sur l’ile de Montréal. Un endroit où on serait confortables, où on se sentirait en sécurité et où les enfants pourraient jouer au hockey dans la rue sans avoir peur des voitures. Un petit coin de campagne près de la ville.

On a parcouru l’ile d’est en ouest. Nous avions un appartement dans Hochelaga Maisonneuve à l’époque, mais comme je travaillais dans l’ouest de l’ile, je préférais l’autre pointe de l’ile. Nous avons visité Pointe-Claire, Dorval, Pierrefonds, Kirkland, Beaconsfield, Baie-D’Urfé. On a trouvé ça parfait. C’est sur cette pointe ouest que nous avons choisi de s’établir.

Alors qu’au départ, on voyait le choix de notre milieu de vie comme un avantage tout simple pour nos enfants d’être baignés dans une environnement bilingue en jeune âge, on se rend compte maintenant que les opportunités sont plus grandes pour nos enfants d’avoir accès à des ressources vraiment adaptées à eux.

On n’était même plus à Montréal en fait, même si on était sur l’ile. Toutes les maisons avaient des arbres matures, des terrains fleuris et plusieurs avaient des paniers de basketball devant leur entrée. En savait qu’en s’établissant là, si les enfants voudraient devenir amis avec les voisins, la conversation devrait probablement être en anglais. Quel bon moment d’apprendre une deuxième langue qu’en étant enfant! Quel bon moyen de devenir bilingue qu’en jouant au basketball dans la rue avec les voisins!

Mes enfants pourraient tisser des liens avec qui ils voulaient, sans contrainte, ni barrière.

Puis je me suis questionnée

Je suis une grande « inquièteuse ». Face à un problème, j’ai tendance à prévoir de multiples scénarios d’avance et trouver la solution. Ça me donne l’impression d’être prête à toutes éventualités parce que j’ai déjà un plan B, un plan C, un plan D et parfois, j’en suis même au plan X, Y ou Z. Le mot positif pour ça serait proactive disons.

Quand on a appris que notre deuxième vivait avec la trisomie 21, je me suis demandée si cette particularité chromosomique remettrait mon plan de bilinguisme en cause. Est-ce que ce ne serait pas trop pour lui d’apprendre deux langues en même temps?

Alors j’ai demandé à différentes intervenantes que j’ai croisées au fil du temps : TES, orthophonistes, particulièrement. Elles étaient toutes d’accord pour dire que le bilinguisme était, au contraire, un grand avantage pour lui.

Le fait d’apprendre le double des mots lui permettrait d’être compris plus facilement. Il aurait des options de mots supplémentaires pour ses faire comprendre. Au même titre que l’ajout du langage signé pouvait aussi l’aider d’ailleurs (une troisième langue en fait).

Une autre chose, à laquelle on ne pense pas quand on a de jeunes enfants, c’est que les gens vivant avec la trisomie 21 ont un plus grand risque de développer de l’Alzheimer en jeune âge (dans la trentaine plutôt que dans la soixantaine pour les autres). Mais il est prouvé que plus le cerveau est stimulé, plus ça retarde l’apparition de la maladie, si elle a à ce développer. Le bilinguisme devient, en soi, une stimulation supplémentaire.

Il n’en fallait pas plus pour que j’insiste encore d’avantage pour ajouter une langue supplémentaire au quotidien de mes enfants.

Pour nous, permettre aux enfants d’apprendre une deuxième langue signifiait:

  • Une plus grande fluidité dans leur communication à l’âge adulte
  • Plus d’opportunités pour eux
  • Moins de frustration
  • Une plus grande stimulation

À la garderie, à l’école, à la maison, chez les amis

Les enfants ont fréquenté des garderies bilingues et se sont fait des amis anglophones et francophones. Dans leurs échanges avec eux, ils s’adaptent naturellement.

Je trouve ça beau d’entendre mes enfants passer de l’anglais au français de façon fluide et naturelle.

À la maison, on s’adapte. Pour aider mon fils de 6 ans à allonger ses phrases et améliorer sa communication orale, l’orthophoniste nous conseille de répéter après lui et ajouter un mot à la phrase qu’il énonce. J’en viens donc à parler anglais ou français avec lui, selon le moment. Je m’adapte, même si j’ai naturellement tendance à parler en français en premier.

Nos choix d’école pour les enfants se sont aussi adaptés. C’est ainsi que nous avons choisi une école francophone pour notre ainé et une école anglophone pour notre deuxième. Leurs besoins sont différents et leur bilinguisme leur permet de s’adapter au milieu éducatif qui leur convient le mieux.

Un choix qui est devenu une opportunité

Alors qu’au départ, on voyait le choix de notre milieu de vie comme un avantage tout simple pour nos enfants d’être baignés dans une environnement bilingue en jeune âge, on se rend compte maintenant que les opportunités sont plus grandes pour nos enfants d’avoir accès à des ressources vraiment adaptées à eux.

Jamais on ne se serait imaginé se demander un jour si nos enfants fréquenteraient l’école en français ou en anglais. C’était clair que le français allait toujours être notre premier choix. La vie nous a apporté plusieurs surprises en chemin et sincèrement, je vois ces nouveaux choix comme des opportunités supplémentaires pour les enfants de développer leur plein potentiel, dans le milieu qui leur convient le mieux.

On continuera à les encourager à parler les deux langues, à communiquer avec nous et nos familles en français, à développer leur vocabulaire dans leur langue maternelle, mais je ne ferais aucun choix différents dans ce sens là si c’était à refaire. Ils m’étonnent à chaque jour et je trouve ça fantastique de les entendre développer une couleur particulière dans leur façon de communiquer.

Chez-vous, le bilinguisme est important? Est-ce que vous vous êtes déjà questionné là-dessus? Pourquoi?

Bilinguisme Pourquoi vouloir que les enfants parlent deux langues dès leur plus jeune âge. Quels sont les avantages que nous y avons trouvé? Pourquoi avons nous fait ce choix pour notre famille?