Tu sais ma chère amie, il y a des jours où les succès sont si petits qu’il est difficile de les percevoir quand on ne regarde pas attentivement. Ces jours-là, il faut juste ouvrir les yeux plus grands et aussi ouvrir son cœur. Ton enfant est une merveille, il a tout à apprendre. Tu imagines comment ça en fait des choses ça? Tu imagines tous les efforts qu’il doit déployer? Avec nos yeux d’adultes, on ne voit pas toute la persévérance et l’acharnement qu’ils doivent mettre pour arriver à ça. On veut souvent que tout aille plus vite, parce qu’on a hâte de voir les progrès. Mais si on s’arrêtait et qu’on prenait juste le temps d’apprécier ce qui est là, maintenant, aujourd’hui? Aller à son rythme à lui, juste pour voir le monde à son niveau.
Un jour, je suis devenue maman. J’ai cru à cet instant que la vie allait ressembler à l’idée que je m’étais faite de la parentalité. Les événements se sont chargé de me la faire voir autrement. Voici ce que la maman que je suis maintenant raconterait à la maman que j’étais si elles venaient à se croiser par hasard.
Premier regard de mère
Quand mon premier est né, tout était nouveau pour moi. J’avais tout à apprendre sur ce que c’était « être une mère ». Je regardais mon fils aller, il me fascinait. Il apprenait des choses, il me faisait rire. J’étais remplie de fierté à chaque fois qu’il atteignait une nouvelle étape de développement. Je ne m’inquiétais pas. Je me disais: « Wow! Il a réussi! La prochaine étape c’est… » J’étais en attente de ces prochaines étapes, je l’encourageais. Je riais de ses mauvais coups. Tout m’amusait. C’était un enfant facile.
Puis un jour, il a commencé à compter, il n’avait même pas 2 ans et à 3, il comptait jusqu’à 100, à l’endroit et a l’envers, en français et en anglais. J’étais étonnée de la vitesse à laquelle il apprenait. Il me faisait presque peur, mais en même temps j’étais fière de lui, parce qu’il vivait beaucoup de succès rapidement. J’ai arrêté d’être dans l’attente parce que tout semblait aller si vite.
L’enfant qui s’est invité chez-moi
Nous avons voulu avoir un deuxième enfant, parce que le premier était si « facile ». Tout allait bien aller. Je suis tombée enceinte rapidement et vers 6 semaines, j’ai fait une fausse couche. Ça m’a démolie. Il n’y avait rien à faire. Mon conjoint n’était pas là, j’ai eu la chance d’avoir ma mère à mes côtés. Ça m’a brisée un peu en dedans. Deux mois après, j’étais à nouveau enceinte, plus craintive, mais si heureuse! J’allais bientôt avoir un autre enfant à voir progresser.
Et il est né ce petit coquin! Sans le vouloir vraiment, je suis devenue la maman d’un coco avec la trisomie 21. Cette étiquette que j’avais tant craint faisait maintenant partie prenante de ma réalité. La maman que j’étais avant est disparue à ce moment-là. Elle a fait place à la douleur et l’anxiété. J’en ai parlé ici.
Je me suis inscrite à des groupes de soutien physiques et virtuels. J’essayais de voir ce qui m’attendait. Le futur m’inquiétait. Je ne savais pas à quoi ma vie allait ressembler. J’avais l’impression que tout ce que j’avais appris comme maman avec mon premier n’avait servi à rien. J’avais beau essayer, c’est comme si mon corps et mon esprit étaient à deux endroits différents. Mon cerveau ne comprenait pas ce que mon corps faisait là.
Réapprendre à être
Je réapprenais à être une maman, mais aussi à devenir beaucoup plus. J’ai mené des batailles pour avoir accès à des services auxquels je savais avoir droit, mon fils n’avait même pas un an. J’ai tenté de l’aider du mieux que j’ai pu, en faisant toutes sortes d’exercices de stimulation à la maison. J’étais rendue une maman/thérapeute/battante.
Chaque étape de son développement n’était pas une célébration comme avec notre premier. C’était une célébration beaucoup plus intense! Plusieurs succès ne venaient pas naturellement, il fallait l’encourager, beaucoup. Je savais tout le travail que mon fils avait fait pour y arriver. Toutes les tentatives ou les adaptations qu’on avait dû faire pour que, progressivement, il apprenne. Certains apprentissages spontanés m’ont fait crier et pleurer d’émotion. J’ai été émue comme je n’avais jamais été émue pour chacune des étapes de son apprentissage. Mes joies ont été aussi intenses que les peines que j’avais vécues (et peut-être plus).
Tu devrais voir les larmes qui ont coulé sur mes joues la première fois qu’il m’a dit: « T’aime maman » en tenant mon visage dans ses mains et en me faisant un câlin comme lui seul sait le faire. Je n’avais même pas eu à lui dire avant, il ne l’avait pas répété après moi comme il le faisait toujours. Cette journée-là, ça venait vraiment de lui! C’était tellement touchant!
Un deuil inattendu
Tu sais? Cet enfant que je n’attendais pas est celui qui m’a permis de voir le monde avec de nouveaux yeux. Je peux le dire maintenant parce que j’ai changé. Ça a été un point tournant dans ma vie. Sans le savoir, alors que je croyais faire le deuil de l’enfant parfait, celui qui allait être comme je l’espérais, je faisais aussi le deuil de la maman que je croyais être. Les doutes, l’anxiété, l’incertitude devant la vie, ce n’était pas uniquement par rapport à la vie de mon enfant, c’était aussi par rapport à cette inconnue que je côtoyais maintenant au quotidien.
Je ne me reconnaissais plus, je ne me connaissais plus.
Ne plus revenir en arrière
Puis est arrivé le troisième mini. Je le regarde et j’essaie d’apprécier le moment. J’essaie de le regarder avec les yeux de la maman d’avant, mais elle n’est plus là. Il aura un an dans quelques jours. Je ne sais pas plus comment réagir avec lui maintenant que dans les premiers mois de sa vie. Je suis fière de lui pour les étapes qu’il atteint et à chaque fois, une petite voix se demande si c’est ce que ça fait un enfant « normal ». La maman que j’ai été m’a définitivement quittée.
Je ne suis pas une maman normale. Je suis une maman atypique. Ce n’est pas pire comme je l’avais craint, ce n’est pas mieux, c’est juste différent. Mes yeux sont différents, ni trop tristes ni trop optimistes. Juste ouverts à une autre vision, comme si j’avais mis des lunettes spéciales.
Un regard transformé
Tu sais mon amie, tu vivras des peurs, tu vivras des joies, tu vivras des inquiétudes et des émotions que tu n’aurais jamais imaginées, juste parce que tu es devenue une maman. Prends le temps de t’arrêter au quotidien. Regarde ton enfant, regarde tout ce qu’il fait, comment il le fait. Essaie de voir tout le travail qu’il a mit pour y arriver, tout cet acharnement. Les jours difficiles, prends le temps de lui faire un câlin de plus et soit douce avec toi mon amie! Soit douce avec toi parce qu’être une maman, c’est tout un boulot, mais c’est aussi toute une aventure!
Je te souhaite d’être heureuse comme je le suis maintenant. D’être capable d’apprécier les beaux moments quotidiens sans trop penser à demain et à la prochaine étape. C’est facile de perdre de vue ces petits succès presque invisibles quand on cherche à aller trop vite.
Tu sais ma chère amie, il y a des jours où les succès sont si petits qu’il est difficile de les percevoir quand on ne regarde pas attentivement. Ces jours-là, il faut juste ouvrir les yeux plus grands et aussi ouvrir son cœur. Si on s’arrêtait et qu’on prenait juste le temps d’apprécier ce qui est là, maintenant, aujourd’hui?
Plein de douceur à toi chère maman d’avant. La vie est belle. Trop belle pour t’inquiéter à propos des prochaines étapes.
Prends soin de toi! Je t’aime!
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