Un réflexe naturel quand on devient parent je crois, c’est de se comparer.
Et même s’il n’est pas naturel, il le devient un peu par la force des choses… Quand on croise d’autres parents qui nous demandent à quel âge notre enfant a dit ses premiers mots et répliquent tout de suite avec l’âge auquel le leur l’a fait. Ou encore on entend: « Hey! J’ai attrapé la petite dernière en train de grimper sur le divan! Il me semble que c’est tôt! »
À un certain moment, on en vient presque automatiquement à se questionner si notre enfant est « normal » ou s’il se développe « comme les autres », valider qu’on fait bien notre job de parent.
Tout est question de perspective
Quand mon premier est né, je pense que j’étais assez zen par rapport à son développement. J’avais peu ou pas de référence quant à ce qu’était un bébé typique. Tout m’émerveillait. Il semblait bien se développer. Parfois, je trouvais qu’il allait un peu vite, mais rien d’alarmant. Certains comportements me rendaient fière, me rassuraient ou me faisait dire qu’il était donc un bon bébé!
Très jeune, il jouait seul dans son lit, en silence. Pour moi, c’était surprenant et apaisant. Je ne me suis jamais vraiment demandé si c’était hors norme d’apprendre l’alphabet à 2 ans ou compter jusqu’à 100 à l’endroit et à l’envers à 3 ans. Pour moi, c’était rapide, mais sans plus. C’est quand il a commencé le CPE à 4 ans que les questions sont arrivées, mais avant, non.
Quand je trouvais que quelque chose allait un peu lentement, je me disais que ce n’était pas grave, qu’il allait réussir plus tard. Honnêtement, je n’ai jamais vraiment consulté de chartes de développement avec lui. Ça ne m’intéressait pas. Je le laissais aller à son rythme, j’aimais ça. On était relax, on était bien. Pour moi, c’était parfait comme ça.
Et notre numéro 2 est né. J’ai senti que je tombais dans le vide, que je n’étais pas prête à ça du tout. J’avais l’impression d’avoir à me créer de nouveaux repères. Mon seul point de référence était son ainé. Comment j’allais faire pour savoir si mon mini se développait bien alors que mon idée de la « norme » était un enfant typique, pas si typique. Soit je trouvais que mon plus vieux allait beaucoup trop vite, soit je trouvais que mon deuxième allait beaucoup trop lentement. Je me sentais dans une bien drôle de position, mais pas drôle à en rire malheureusement.
Et la vie qui joue des tours
Mon coco portant la trisomie 21 est né en avril 2014. Dans le même mois que deux fillettes dont les mamans sont devenues de bonnes amies. Même si je ne veux pas comparer, je sais que ces petites filles sont du même âge que mon fils. Plus le temps passe, plus je vois que l’écart se creuse. Tant au point de vue moteur qu’au point de vue du langage.
J’ai parfois un petit pincement. De moins en moins souvent, mais je sais qu’il n’est pas très loin. Il faut encore que je me parle à l’occasion, pour apprécier toutes les qualités de mon coquin et ne pas trop me laisser distraire par ses défis.
Je célèbre ses réussites avec intensité. Je l’aime de tous mon cœur, mais certains jours plus difficiles. Il m’arrive parfois d’éteindre un « et si… » qui traverse mon esprit.
Mon cerveau me joue des tours. Est-ce que mon fils devrait faire tout ce qu’elles font ou sont-elles précoces? Mon fils a-il déjà beaucoup de retard?
Je ne sais pas où mettre mes repères pour évaluer où mon garçon se situe par rapport aux enfants de son âge.
Comparer à des pairs
Sur les groupes de parents d’enfants vivant avec la trisomie 21, on voit souvent des questions comme: « Vos enfants faisaient-ils ça à cet âge-là? » « Quels jouets de stimulation je devrais acheter à mon enfant de tel âge? »
Ce sont aussi des comparaisons d’une certaine façon. On veut savoir si notre enfant est « assez avancé » ou « pas assez avancé » par rapport à ses pairs. C’est réconfortant de pouvoir « classer » notre enfant par rapport à d’autres d’un âge similaire.
Mais en même temps, ça donne quoi? Réellement?
Chaque enfant a son rythme, ses particularités, ses défis, ses talents. Chacun est unique et c’est ce qui rend l’humain si beau. Pourquoi vouloir que nos enfants soient tous pareils?
Quand on achète un jouet, on devrait plu s’attarder à ce que notre enfant vit en ce moment, peu importe l’âge qu’il a, peu importe ce que les autres ont vécu. Mon coco de 4 ans ne joue pas avec les même jouets ou aux mêmes jeux que bien d’autres enfants de 4 ans. Certains jeux qu’on utilisent s’adressent à des enfants de 2 ans, et d’autres s’adressent à des enfants de 5 ans. Il a des talents pour certaines choses et pour d’autres, il vit de grands défis. Quand on achète des trucs pour lui, on essaie donc de répondre à ses besoins à lui, tout simplement.
Et le joyeux numéro 3?
Je ne sais pas ce que c’est un enfant typique. Je n’ai aucune expérience de vivre avec un enfant typique au quotidien. Pour l’instant, je navigue à l’aveugle avec notre charmant troisième petit homme grognon.
Maintenant que je sais que l’ainé est doué et que ce n’est pas « normal » de d’apprendre à lire seul à 4 ans ou de multiplier à 5, je n’ai plus d’idée de ce que c’est un enfant au développement typique. Est-ce que c’est un peu plus comme le premier? Un peu plus comme le deuxième? À mi-chemin entre les deux?
Parfois, je me dis: « Il me semble qu’il va pas mal vite la-dessus! Peut-être il sera encore plus rapide que son frère? » ou « Il me semble qu’il vit déjà beaucoup d’anxiété. Est-ce que c’est normal à cet âge? Son grand frère acceptait d’être laissé seul dans son lit à 6 mois, mais lui ne peut pas et il a un an… Qu’est-ce que j’ai fait de pas correct? »
Je suis encore en train de comparer.
Comparer, c’est mal!
Le développement de l’enfant. Un indice de la compétence de parent?
Je me remets en question constamment en tant que parent. Con-ti-nuelle-ment! Et je sais que je ne suis pas la seule à le faire.
Je dois l’avouer, quand j’étais une « non parent », j’avais le jugement facile. Même quand je n’avais que mon premier. Je me disais: « Je dois être pas pire dans mes skills de parent, ça va bien! »
Pis là, numéro 2 est arrivé pour mélanger les affaires. Je me sentais TELLEMENT incompétente. L’anxiété parlait fort. Je me suis remise en question des millions et une fois. Dans mon subconscient, je n’étais pas capable d’accepter que mon fils ne réussisse pas. La lenteur de ses progrès était directement proportionnel à mon manque de compétence parentale. Il a vraiment fallu que je me parle beaucoup pour passer à travers ça.
Maintenant que j’ai un numéro 3 à aider, j’ai l’impression d’être encore plus loin de savoir ce qu’est être un bon parent. Je lis plus que je n’ai jamais lu, je m’informe plus que je ne l’ai jamais fait. Comme j’ai des trucs pour stimuler un doué et d’autres pour stimuler un enfant avec des retards globaux de développement, je devrais être outillée pour n’importe quelle éventualité, mais non.
Out la maman easy going que j’étais, elle n’existe plus, mais comme j’aimerais la retrouver des fois…
Il faut que je me parle!
Quotidiennement, je dois me dire que je suis une bonne mère, l’experte de mes enfants a moi, la meilleure qu’ils peuvent avoir parce que je suis leur mère à eux. Je me réinvente quand j’ai l’impression d’avoir manqué mon coup ou que je pourrais faire mieux, je trouve des solutions quand je vois qu’ils vivent des défis et surtout je les aime.
Oui, des fois, j’ai l’impression que l’autre maman à côté l’a plus facile parce qu’elle n’a pas de broue dans le toupet, mais peut être qu’elle sais juste mieux utiliser son fer plat et son fond de teint minéral… Je le sais pas dans le fond, parce que je ne vis pas dans ses souliers. C’est peut-être elle qui se dit que je suis hot quand elle me voit aller.
Pour être honnête, c’est déjà arrivé que quelqu’un me dise que ça avait l’air facile pour moi. Dans le bureau du médecin, il y a même une maman qui m’a confié qu’elle aimerait ça être capable de tout gérer aussi bien quand elle sortait avec ses deux enfants. J’ai regardé autour pour être sure que c’est à moi qu’elle parlait. Je leur ai dit merci et dans ma tête, je me suis dit: « Si tu savais ma belle madame comment je me sens inadéquate souvent! Merci! Vraiment! » Avouer haut et fort qu’on se sent inadéquate, à une inconnue qui nous aborde, dans la salle d’attente du médecin, on fait pas ça. C’est ben mieux qu’elle croit qu’on est bonne naturellement tsé.
En conclusion
Se comparer? Pourquoi? Pour se réconforter? Pour se rassurer? Parce que quand on se compare on se console? Est-ce vraiment nécessaire d’établir comment notre enfant de 2 ans se situe par rapport aux enfants du voisin? Valider qu’on est une meilleure ou une pire mère que celle qui a la broue dans le toupet?
Si on faisait juste notre gros possible, en acceptant que nos enfants sont des humains, avec des particularités, des êtres uniques, avec leur propre rythme. Si on pouvait les aimer, inconditionnellement, tels qu’ils sont, en les aidant dans leurs défis, comme n’importe quel enfant, neurotypique ou non.
Et nous en tant que parent. Si on pouvait être doux avec nous et se pardonner de ne pas tout savoir tout le temps, de ne pas toujours se sentir à la hauteur, parce que c’est normal ça. C’est normal de ne pas toujours se sentir prêt pour tous les défis, parce qu’on est aussi des humains qui apprenons la tâche la plus difficile (et la plus gratifiante) au monde: celle de devenir un parent aimant.
Aimons nous, sans jugement, avec bonté et douceur. Soyons bienveillant envers nos enfants, pour qu’ils s’épanouissent.
Je vous envoie plein d’amour et de douceur!
Coucou ton article est tellement juste ! J’ai récemment voulu faire un article à ce sujet, je n’ai juste pas eu d’inspiration pour l’écrire lol
Merci!
Si tu en écris un, laisse moi savoir. Ça m’intéresse de lire ta façon de l’exprimer. 🌸