DI. Deux petites lettres qui veulent dire beaucoup, tellement, et si peu à la fois. D pour différent, pour développement ralenti, pour défi, pour deuil, pour déficience. I pour impertinent, pour inconvénient, pour intellectuel.

La déficience intellectuelle. C’était si abstrait et pourtant si clair que je n’en voulais pas dans ma vie et voilà que je l’embrasse et que je l’aime de plus en plus. Le chemin n’est pas sans obstacles et sans moment tristes. Oh non! Je serais bien hypocrite de dire que j’aime tout de ces deux petites lettres qui ont tant transformé mon quotidien, mais je serais également très ingrate de ne pas reconnaitre le beau qu’elles m’ont apporté.

La peur

Sans vouloir trop élaborer, parce que je l’ai déjà écrit quelques fois, la DI est entrée dans notre vie par surprise. Nous ne nous y attendions pas. Mais nous n’en voulions pas non plus.

Sans dire qu’un QI élevé était une qualité essentielle qu’on s’attendait de nos enfants parfaits. Il n’en restait pas moins que nous valorisions énormément les connaissance et la capacité de résolution de problème rapide de nos cerveaux de scientifiques. Vivacité d’esprit et blagues au 8ème degré ont alimenté notre quotidien de jeune couple.

Penser qu’un de nos enfants puisse avoir une déficience intellectuelle était totalement inconcevable. C’était correct pour les autres, s’ils s’en sentait la force, mais ce n’était pas pour nous.

Et puis il est arrivé. Et il a chamboulé toutes nos conceptions de la perfection.

Ce que mon fils m’a appris

D’abord, je n’ai pas fini d’apprendre. Qui peut se venter d’avoir déjà tout appris de toute façon?

J’apprends à tous les jours. Le quotidien avec lui prend un autre rythme. Un rythme que je n’aurais jamais cru apprécier. Si j’y réfléchis bien, ce n’est ni un rythme plus lent, ni un rythme plus rapide, mais bien un rythme différent. Je dois être continuellement en adaptation et activer ma créativité comme jamais avec lui, beaucoup plus que je ne l’aurais fait avec des enfants neurotypiques.

complicité

De quoi j’avais si peur?

Les idées préconçues que j’avais face aux gens vivant avec une DI étaient nombreuses:

  • Elles sont bizarres.
  • Des fois, on ne comprend pas ce qu’elles disent, elles ne prononcent pas bien.
  • Quand on leur parle, on a souvent l’impression qu’elles ne nous comprennent pas.
  • Elles rient souvent toutes seules.
  • Les personnes vivant avec une DI n’apprennent pas vite
  • Elles ne sont pas autonomes
  • Certaines personnes sont agressives et imprévisibles.

Toutes des raisons qui faisaient en sorte que je ne voulais pas d’enfant avec une déficience intellectuelle.

Si on attaquait les peurs?

Les personnes ayant une DI sont bizarres.

Honnêtement, qui n’est pas bizarre? Je pense que j’ai déjà été une bizarre refoulée et que maintenant, je suis une bizarre encore. C’est vrai que mon cerveau n’est pas tout à fait neurotypique, mais est-ce vraiment une qualité ou un défaut d’être bizarre? Être bizarre, ça veut dire quoi de toute façon?

Je fais des blagues bizarres à mes enfants. Je les encourage à s’exprimer et à extérioriser leurs émotions. Ça aussi, ça peut être considéré comme « bizarre ».

Entre mon fils qui a une trisomie 21 et mon fils qui est doué, je serais bien embêtée de dire lequel est le plus bizarre. Sorry, not sorry.

Les personnes qui ont une DI ne prononcent pas bien

Ça, ça peut être causé par plusieurs choses: mauvais audition, trouble de langage, hypotonie au niveau des muscles de la bouche ou la langue, etc. Et ce n’est pas non plus exclusif aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Je connais des gens ayant des doctorats qui ont, eux aussi, des problèmes d’élocution.

Mon coco est en train d’acquérir son langage. Il a 4 ans. Il faut être concentré pour tout comprendre comme il faut. Ceci dit, il a une certaine hypotonie au niveau de la bouche. Il a aussi une autre particularité: il apprend deux langues en même temps. Pour tous les enfants, apprendre deux langues à la fois peut ralentir l’acquisition du langage. Par contre, ça a tellement d’autres avantages que nous le stimulons et l’encourageons dans cette direction. C’est parfois difficile de savoir ce qu’il veut dire parce qu’il utilise des mots français et anglais dans la même phrase, comme si c’était une seule et même langue. Mais sa communication est très bonne, malgré sa difficulté à bien articuler et à prononcer les mots. Il réussi à se faire comprendre par la majorité des gens importants autour de lui et c’est l’essentiel.

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Quand on parle, on a l’impression qu’elles ne nous comprennent pas

C’est vrai que c’est difficile de parler à quelqu’un qui ne semble pas nous comprendre. Mais honnêtement, pour avoir enseigné à des adolescents presque toute ma vie adulte, ce n’est pas exclusif aux gens qui vivent avec une DI celle-là.

Mon fils de 4 ans donne souvent l’impression qu’il ne comprend pas. La plupart du temps, c’est quand je lui donne une consigne ou quand je lui parle de quelque chose qui ne l’intéresse pas. Il a cette formidable aptitude à faire une totale abstraction de se qui se passe autour de lui quand ça ne l’intéresse pas. J’aimerais vraiment avoir ce super pouvoir dans la vie!

Elles rient souvent toutes seules

Mes enfants font ça. Ils se racontent des histoires dans leur tête et rient seuls. Des fois, j’écris des trucs et je souris en même temps. Des fois, je ris de mes propres blagues que personnes d’autre ne comprennent.

Le fait de rire seul ne rend pas quelqu’un plus étrange ou particulier. Le fait de rire démontre que la personne est heureuse et bien avec elle-même. Assez, du moins, pour ne pas se préoccuper de ce que les autres pourraient dire d’elle.

Par contre, je peux aussi dire que mon fils de 4 ans a le plus beau et le plus magique des sens de l’humour. Il a un sens du punch inné et il est extraordinaire pour décrocher un sourire. Donc il arrive beaucoup plus souvent que nous riions ensemble que lui, seul.

Amour mère-fils

Elles apprennent lentement

C’est vrai. Le concept de vitesse est si important aujourd’hui! On se valorise souvent par notre capacité à acquérir des connaissances rapidement. On jette ce qui ne va plus assez vite, on rage contre les temps d’attente et de chargement trop long. La vitesse extrême est la façon de faire « normale ». Nos standards sont disproportionnés.

Les gens vivant avec une déficience intellectuelle sont capable d’apprendre, elles le font tout simplement plus lentement. Leur rythme est différent, mais elles progressent et ça n’arrête jamais.

J’apprends à chaque jour, comme tout le monde. Les personnes vivant avec une déficience intellectuelle aussi. Elles acquièrent des nouvelles connaissances à chaque jour. Le nombre de répétition pour y arriver est souvent plus élevé que pour les personnes neurotypiques, mais est-ce vraiment si grave?

Elles ont tant à nous apprendre sur la lenteur. Sur l’appréciation des choses. Prendre le temps de ralentir et de saisir le moment présent pour ce qu’il est, dans toute sa beauté. L’apprentissage va venir. La fierté qui l’accompagne n’en sera que plus grande!

Elles ne sont pas autonomes

Ah l’autonomie!

C’est quelque chose dont on entend régulièrement parler. Les personnes vivant avec une DI sont souvent présentées comme un fardeau. Elles ne contribueraient pas à la société et vivraient au crochet des personnes voulant bien s’en occuper. Ce sont des discours tellement réducteurs qu’on entend si souvent sur les médias sociaux.

Le jeune homme qui marche

J’ai la chance d’habiter un secteur où il y a des écoles accueillant des gens vivant avec la déficience intellectuelle. Chaque jour, lorsque je vais reconduire mon coco de 4 ans à la garderie, je croise un jeune homme d’environ 20 ans vivant avec la trisomie 21. Je le vois débarquer de l’autobus, seul, et marcher jusqu’à l’école 1 kilomètre plus loin. Le soir, il fait le chemin inverse pour reprendre l’autobus et retourner chez lui. Ce jeune homme m’apaise. Il me fait voir que c’est possible.

La dame de la bibliothèque

À la bibliothèque, une dame, vivant elle aussi avec la trisomie 21, travaille à ranger les livres. Elle semble appréciée de ses collègues. Je les vois sourire et discuter ensemble. C’est beau.

Et nous

Je vois mon garçon essayer de plus en plus d’affirmer ses émotions et essayer de faire les choses par lui-même. Il grandit, il apprend, il progresse. Ça m’émeut comme mère de le voir devenir grand. Ça lui prend plus de temps, oui, mais est-ce vraiment si important?

Je le laisse de plus en plus seul sur un étage alors que je suis à l’autre. Il lit, il joue, il regarde la télé et je n’ai pas à le surveiller continuellement. Il a 4 ans. Je vois les progrès qu’il fait et ça me réconforte. Je l’imagine, dans le futur, pouvoir prendre l’autobus, seul et marcher, vers son travail ou ses activités. Oui, mon fils sera autonome lui aussi, comme la dame de la bibliothèque et le garçon qui marche.

Certaines personnes sont agressives et imprévisibles

C’est vrai.

Dans le cas de mon fils, il devient agressif quand on ne le comprend pas assez rapidement ou quand on lui prend quelque chose sans lui demander. Ce qui sont des réactions, somme toute, normales. N’importe quel enfant n’aime pas se faire voler des choses ou ne pas être compris. Ce sont des réactions un peu plus intenses que la moyenne, mais pas fréquentes à un point où je m’en inquiète.

De façon générale, les personnes vivant avec une déficience intellectuelle sont plus heureuses que la moyenne, se considère bien et satisfaites de leur vie et n’ont donc aucune raison pour devenir agressive à moins d’être provoquées par un manque de compréhension. Ceci dit, elles vivent beaucoup dans l’instant présent et ne prévoient pas réellement les conséquences que leurs actes pourraient avoir. Il faut donc être un peu plus vigilant, comme parent.

Ce qui a vraiment changé dans ma vie

Mes perceptions sont totalement différentes maintenant. Mes peurs face à la DI en tant que telle sont apaisées. J’ai beaucoup plus d’empathie et d’ouverture.

Mes plus grandes craintes sont en lien avec la perception des gens et leur réaction face à la déficience intellectuelle et le diagnostic de mon enfant. Je réalise à quel point il y a encore énormément de chemin à faire en sensibilisation et en démystification. Cet aspect-là me terrifie en fait.

Si je voulais donner un sens aux lettres DI en fonction de ce que mon fils m’inspire ce serait très différent de ce qui me traversait l’esprit avant. Ce serait plutôt D comme débrouillardise, comme détermination, comme diversité, comme douceur. I comme impressionnant, comme indépendant, comme ingénieux.

Et vous? Que vous inspire la DI?

trisomie 21