Dans une autre vie, j’étais enseignante. Devant mon groupe de 34 élèves dont plus de la moitié avait des plans d’interventions, je me sentais souvent dépassée. Honnêtement, 19 élèves de 15 ans ayant des profils différents dans une classe de 34, c’était du sport extrême. On entendait parler de différenciation, je faisais mon gros possible avec les moyens que j’avais. C’était pas toujours concluant, c’était souvent épuisant de ramer pour eux quand ça ne leur tentait pas.
Et là, je suis devenue mère.
Et là, j’ai constaté que j’avais des enfants aux opposés du spectre des défis.
Chez nous, quand je parle à mon grand, on peut avoir une discussion très mature sur le mouvement des étoiles et des planètes. À 4 ans, il savait lire. Et bien avant ça, il savait compter jusqu’à 100 ou jusqu’à zéro en partant de 100, ça dépendait de la question.
Quand je parle à mon deuxième, il ne compte pas toujours jusqu’à 5 en passant par 3. Il a de la difficulté à reconnaître son nom à l’écrit. Ça lui a pris plus de 5 ans à apprendre les couleurs de base.
Au quotidien, je suis confrontée à la différenciation. Pas du niveau de ce que je faisais en classe, non. Mes élèves de 15 ans avaient quand même un certain bagage commun. À la maison, je fais de la différenciation extrême.
La différenciation pédagogique est une approche pédagogique souple qui permet au personnel enseignant de planifier et d’utiliser diverses approches en les adaptant en fonction du contenu, des processus d’apprentissage, du style d’apprentissage, des méthodes, des stratégies de présentation et des outils d’évaluation. On obtient ainsi un milieu d’apprentissage proactif plus personnel qui favorise la réussite de TOUS les élèves (ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2011) – Via un billet très pertinent de TA@l’école
Prendre conscience des injustices
« Pourquoi lui n’est pas obligé de faire des devoirs? »
Mon grand a tellement de facilité à comprendre les concepts abstraits. Il a une mémoire photographique quand le sujet l’intéresse. Il est capable de mémoriser les phrases exactes d’un livre, d’un film ou d’une conversation.
Par contre, au niveau émotionnel, il vit de gros défis. Son sens de la justice est aiguisé à l’extrême. Quand quelque chose lui semble injuste, il doit le nommer, mais il a aussi besoin de comprendre. Ça peut rendre le quotidien très lourd parce que tout doit être analysé avant qu’il se mette à la tâche.
Par exemple, c’était plus facile de justifier que son frère ne fasse pas de devoirs avant qu’il commence sa première année, mais maintenant, c’est une autre histoire. On doit trouver d’autres stratégies. Mettre en lumière l’ouverture à l’autre.
C’est la même chose pour tout.
Comme humaine, je me suis souvent remise en question face à mes interventions, à essayer de comprendre quel était le chemin à emprunter, comment rendre comment faire rentrer mes enfants dans le moule dans le fond.
La trisomie 21 de mon deuxième m’a confrontée à plusieurs fausses croyances que j’avais sur la force et le courage, et la douance de mon ainé me demande de mettre en opposition celle que j’étais avant et celle que je suis devenue.
Et maintenant, je me demande s’il faudrait regarder les choses sous un autre angle entièrement? Et si la différenciation était la clé même à la maison?
Accueillir les défis avec bienveillance
Quand mon fils vivant avec la trisomie n’arrive pas à compter jusqu’à 10, j’ai le pardon assez facile. Je l’accueille comme il est, je persévère et je me dis qu’il y arrivera quand il sera prêt. J’utilise de nouveaux outils, je me réinvente encore une fois et on recommence le lendemain.
Face à mon grand vivant avec un HPI, je me rends compte que je m’impatiente plus vite. C’est étrange comment mon cerveau a de la difficulté à comprendre qu’un enfant si doué pour les maths n’arrive pas à s’autoréguler. Comment peut-il comprendre aussi facilement les multiplications de nombres décimaux et oublier aussi souvent son matériel à l’école?
Mais dans le fond, quand j’observe ça avec le recul, mes deux fils vivent des défis bien différents, mais n’en reste pas moins que ce n’est pas réellement leur faute. Depuis que j’ai compris ça, j’ai pris un pas de recul par rapport à mon grand.
Je ne sais pas s’il y a un lien, mais il fait de moins en moins de crises à la maison. Il réagit de façon plus posée, il s’oppose moins.
En étant à son écoute, j’ouvre un espace pour être présente pour lui, pour accueillir sa différence à lui, en toute bienveillance.
Adoucir le quotidien
J’ai encore beaucoup de travail à faire pour laisser moins de place à mon ego. Je me suis beaucoup questionnée sur ce que je voulais vraiment pour mes enfants, quel était mon objectif avec eux.
Mes doutes de maman sont toujours présents, mon sentiment de la culpabilité prend de la place aussi, mais je réalise que mon désir le plus profond est de les aider à se réaliser et à être heureux.
Comment est-ce que je peux les accompagner là-dedans? Comment est-ce que je peux leur offrir l’espace nécessaire pour qu’ils grandissent, pour qu’ils surpassent leurs défis? Et si les réponses venaient d’eux dans le fond?
Quand ils s’opposent la direction que je veux leur donner, je me questionne à savoir si c’est vraiment la bonne direction à emprunter, si le chemin est le bon pour eux. Comment on peut, ensemble, trouver des outils pour que leur vie soit plus facile?
Je me sens à des années lumières de là où j’étais dans mon autre vie. Ce ne sont pas réellement des questions qui me venaient spontanément avant. Mais je sens tellement que c’est là que je dois aller pour que notre quotidien soit plus doux.
Des devoirs, on en fait encore. Tant avec mon grand qu’avec mon deuxième. On explore les choses différemment. On s’adapte, on crée, on se recrée, on se réinvente, on s’ajuste, on discute, on s’écoute, on s’aime et quand ça ne marche pas, on se fait un câlin et on recommence.
Laisser un commentaire