Dimanche, j’entends les enfants jouer avec leur père au sous-sol. Pendant ce temps-là, je suis à l’ordinateur en train de rédiger une analyse pour une cliente. Certaines personnes me croient folle d’être en train de travailler pendant que je pourrais jouer. Pourtant, je me suis rarement sentie autant sur mon X.
Culturellement, on fait face à de profonds conditionnements associant certains jours/mois comme étant des périodes de repos. Il faut d’ailleurs reculer très loin dans l’histoire pour comprendre le lien entre les samedis et dimanches et la notion de jour de congé. Même chose pour l’été, qui est fortement lié aux vacances. C’est pourtant un conditionnement relativement moderne. Si on allait plus loin, on verrait aussi que la productivité comme étant un concept « diurne » est aussi un conditionnement qui date des origines de l’homme.
Ce billet est donc une mise en lumière. J’explorerai plusieurs paradigmes qu’on associe au temps. Je soulèverais aussi des questionnements pour vous pousser à réfléchir à ce qui fait un réel sens pour vous et non pas pour l’ensemble de la planète.
Les temps de répit
L’humain, comme tout animal social, s’est regroupé et a cherché, au mieux, à trouver un système efficace pour rassembler les ressources et arriver à se reposer entre les périodes de productivité. La vie humaine est donc une succession de périodes productives et de répit. Pour faciliter la coordination du « vivre ensemble », certaines normes sociales ont été établies. Ainsi, les notions liées aux moments de répits ont parfois été associées à des contraintes naturelles ou basées sur la culture et la religion.
Je fais donc une exploration de quelques-unes de ces périodes de répit.
Les weekends
Plusieurs personnes le savent, les écrits bibliques parlent du fait que Dieu a créé la Terre en 6 jours et que la septième journée, il s’est reposé. C’est d’ailleurs sur cette base que le concept de semaine a été établie dans le calendrier.
Pour les Chrétiens, c’est le dimanche qui a été établi que LE jour de congé. C’était une journée de recueillement, de rencontres sociales. C’était d’ailleurs aussi le dimanche (Sunday) chez les Romains qui célébraient la journée du Soleil. Pour les Juifs, c’est plutôt le samedi qui était associé à la journée du Sabbat, également jour de recueillement et de célébrations. Ces jours sacrés datent donc de quelques milliers d’années avant aujourd’hui.
Pour en savoir plus sur l’origine des noms des jours, l’encyclopédie Britannica offre une belle exploration. On y fait aussi référence à l’Empereur Constantin qui a déclaré le dimanche comme étant un jour férié en 321 de notre ère
Avec l’industrialisation, Juifs et Chrétiens se sont trouvés à travailler ensemble. Dans les usines, les patrons ont dû composer avec le fait de donner congé aux Chrétiens le dimanche et aux Juifs le samedi. Soudainement, certains se sentaient frustrés de travailler une journée où les autres étaient en congé et de voir que des gens travaillaient une journée qui était sacrée pour eux. C’était confrontant et les patrons sentaient la grogne monter. Ils ont donc fait le choix de fermer la production pour deux jours. C’est ainsi que les « weekends » sont nés, au début du 20ème siècle.
Les vacances d’été
À une époque où les fermes étaient de petites entreprises familiales, l’été était une période où la plupart des jeunes étaient appelés à contribuer à l’effort familial. C’est pendant l’été qu’on faisait les foins, qu’on faisait boucherie, qu’on jardinait et qu’on récoltait les légumes permettant de nourrir la communauté pour l’hiver. L’été était donc une saison très active ne permettant pas aux jeunes d’être sur les bancs d’école. Toute la structure scolaire s’est donc établie autour de cette réalité. Fermant de juin à septembre, l’école répondait aux besoins de tous: apprendre et être disponible pour les travaux de la ferme.
Même si en milieu urbain cette réalité était moins frappante qu’en milieu rural, un choix a été fait d’harmoniser les périodes scolaires à ces contraintes. La période de juin à septembre est donc devenue une période de congé scolaire.
De fil en aiguille, les parents travaillant dans des domaines « non agricoles » ont choisi de prendre congé pendant la période estivale pour profiter de moments en famille, pendant que les enfants n’étaient pas à l’école, et toute la culture des vacances d’été est née.
Qu’on ait des enfants ou non, l’été est maintenant associé à une période où on relâche le travail. Pourtant, aux origines, l’humain vivait l’hiver comme une période de répit, de lenteur, de réflexion, de retour à l’intérieur, alors que l’été était une forte période de productivité et de récoltes. Les vacances estivales sont donc un profond conditionnement.
Le jour de travail
À une époque, on dépendait du soleil pour s’éclairer et, éventuellement, de chandelles ou autres dispositifs d’éclairage qui demandaient de trouver les ressources pour les fabriquer (ex : cire d’abeille pas toujours disponible, suif ou autre) à grands frais (temps, énergie, argent). Ces contraintes poussaient les gens à travailler le plus possible dans la période où l’éclairage était disponible aux moins de frais possible : le jour.
Avec l’arrivée de l’électricité et de l’éclairage à l’ampoule à incandescence, la possibilité de travailler sur des heures étendues s’est présentée. Mais, tant que le coût de l’électricité n’a pas été réduit suffisamment pour rendre ça disponible à tous, l’éclairage était encore une grande contrainte.
Dans la réalité actuelle, l’heure n’est plus une contrainte. Le fait de travailler uniquement le jour est donc aussi un conditionnement.
Changement de paradigme
Dans le monde actuel, une grande proportion de la population est privilégiée au point où le temps n’est plus réellement une contrainte. Je m’explique, parce que je vois certains lecteurs sourciller d’ici.
La société demande d’être toujours plus productif, faire plus avec moins et on court continuellement après le temps. Parallèlement, on cherche, individuellement à prendre soin de notre santé et à améliorer nos conditions de travail. Quand on parle d’amélioration des conditions, ça passe souvent par un horaire flexible pour s’affranchir du cadre 9 à 5 qui est ancré dans nos conditionnements sociaux.
La pandémie catalyseur de changement
La pandémie a permis à plusieurs employeurs d’expérimenter le travail à distance. Ça ne se serait probablement pas produit avant plusieurs années s’ils n’en avaient pas été contraints. Ça a précipité les choses, mais pour le bien de plusieurs personnes. Certains ont pris conscience qu’ils étaient plus productifs dans un milieu moins « carré ». Que leur productivité était plus grande quand ils avaient des choix plutôt qu’un cadre.
Du changement de milieu vers le changement d’horaire
Ouvrir sa conscience par rapport au milieu qui nous permet de nous sentir plus à notre aise pour être productif permet de jeter un regard tout autre sur l’horaire rigide qu’on s’impose pour le travail. Est-ce que je suis réellement productive, systématiquement, à tous les jours, de 8h le matin à 16h en après-midi? Est-ce que c’est possible que, pour moi, les meilleures heures seraient de 6h à 10h et de 16h à 20h?
Certaines contraintes ne sont-elles pas révolues? Est-ce que c’est encore pertinent de conserver un horaire de travail fixe dans le temps?
Et si, aujourd’hui, j’ai vraiment une inspiration créative qui me pousse à écrire un billet de blogue. Est-ce que c’est vraiment pertinent de ranger ça dans la plage horaire que j’avais inscrite à mon calendrier : jeudi de 13h à 16h?
Est-ce que c’est vraiment nécessaire d’avoir des journées fixées pour le travail et d’autres pour le repos? Ne serait-il pas plus cohérent de respecter davantage notre énergie plutôt qu’un cadre rigide? Serait-il possible d’avoir un horaire flexible au point de l’adapter à chaque semaine?
Collectivement, le temps est un concept secondaire
C’est donc là que je voulais en venir en disant que le temps n’est plus une contrainte. Il est fini le temps où c’était pertinent de tous être à la maison à partir de 17h parce qu’il faisait trop sombre. Ou de travailler la semaine plutôt que le weekend. Les paradigmes ont évolué avec les années. Plusieurs choses y ont contribué. Je pense, entre autres à la pandémie, mais aussi le recul du clergé sur les libertés individuelles et la disponibilité toujours plus grande des technologies.
Expérimenter son individuation pour sortir des paradigmes collectifs
Certains canards ne migrent plus. Instinctivement, les canards vont là où se trouve la nourriture. Donc, s’ils partent en groupe à l’automne, c’est parce qu’ils savent que les ressources se font rares pendant l’hiver. Ils se déplacent vers des endroits qui répondront mieux à leur besoin. Pourtant, certains canards font des choix différents de la masse de leurs congénères. Ils trouvent le moyen de passer l’hiver entier « au Nord ». Ceux-ci font preuve d’individuation. Ils savent qu’ils peuvent faire leur vie de canard sans faire comme les autres.
Comme humains, on cherche beaucoup à faire comme la masse. Ça fonctionne assez bien jusqu’au jour où on prend conscience que nos besoins individuels seraient mieux remplis de telle ou telle façon et que ça nous rendrait plus heureux.
Individuation ne signifie pas individualisme. En fait, je peux très bien respecter mes propres rythmes naturels tout en étant très tournée vers les besoins collectifs et communautaires. Mon affirmation part d’ailleurs du principe qu’on ne peut pas remplir un verre à partir d’une carafe vide, analogie très populaire quand on s’adresse aux mamans qui sont en épuisement.
Plus je prends soin de moi, plus je vais pouvoir prendre soin des autres. Est-ce que de prendre soin de moi implique que j’arrête de travailler? Absolument pas.
Pour ma part, j’ai réalisé que j’avais absolument besoin de travailler pour être bien. Quand je ne travaille pas, je m’éteins. Et je pense que beaucoup d’humains ressentent la même chose. Mais travailler n’implique pas non plus rentrer dans un moule d’où l’importance de se connaître et d’expérimenter.
Voici donc quelques sujets d’expérimentation :
- Déterminer les périodes de la journée où on est plus créatif, plus productif, plus à plat.
- Déterminer si le cycle menstruel, lunaire ou autre a un impact sur le niveau d’énergie.
- Chercher à voir si certains jours de la semaine (du dimanche au samedi) sont plus productifs ou moins.
- Déterminer si la météo a un impact sur la productivité, la créativité.
- Déterminer si l’environnement a un impact : bureau, cuisine, café, extérieur, etc.
Pour arriver à déterminer s’il y a un impact, c’est donc important de faire des expériences à différents moments, différents endroits, etc.
Accueillir le fait que peut-être que c’est variable aussi. Certaines journées, la période la plus productive pourrait être entre 3h du matin et 6h et le lendemain, entre midi et 16h.
Évidemment, en travaillant avec d’autres humains ce sera toujours nécessaire de trouver des moments de disponibilité commune. Ceci dit, si on ouvre la porte à toutes les possibilités, les contraintes disparaissent.
Voici quelques pistes d’exploration supplémentaire en lien avec l’autre et les contraintes extérieures:
- Sur quoi est-ce que je base mes moments de pause?
- Est-ce que je respecte mes moments de créativité et de productivité?
- Quelle est la qualité de mon sommeil?
- Qu’est-ce que je ressens en fin de journée? Est-ce que j’ai l’impression d’être satisfait, d’avoir accompli quelque chose?
- Est-ce que je respecte mes besoins de répit même si c’est à un moment « non conventionnel »?
- Quel impact le discours extérieur a-t-il sur mes choix?
- Est-ce que j’ai tendance à mentaliser mes décisions par rapport à mon horaire ou y aller en fonction de mon énergie?
Est-ce que c’est encore nécessaire de se limiter à ce qu’on connaît déjà? N’est-il pas temps de sortir du cadre du temps comme on le connaît aujourd’hui? Y a-t-il moyen de faire mieux et de s’autoriser une flexibilité qui permet de respecter notre énergie plutôt que de forcer les choses et s’épuiser?
Billet super intéressant ! Je ne connaissais d’ailleurs pas la perspective historique associée aux fins de semaine ainsi qu’aux vacances d’été. De plus, tu poses des questions vraiment pertinentes; les moments de la journée, les contextes, l’environnement, notre cycle, tout ça sont des facteurs à considérer lorsque vient le temps de réflechir à notre besoin de repos versus notre besoin de travailler de de productivité. Se permettre d’être plus flexible et sortir du cadre offert en général, dans la mesure du possible… Merci pour cet article très éclaircissant !
Merci beaucoup, je suis heureuse que ça ouvre la porte à des questionnements. Je te souhaite de trouver un horaire qui s’aligne à tes propres rythmes. ✨