Dans l’univers, il y a des gens avec qui on a l’impression de connecter sans les connaitre vraiment. Personnellement, quand j’ai croisé les petites bandes dessinées d’Avec pas de filtre, je me suis sentie interpellée. L’autodérision, le message humoristique et franc, sans détour et punché, c’était en plein ce que j’avais besoin dans mon quotidien.
Je la suis depuis un bout déjà et j’ai eu envie d’échanger un peu avec la maman qui se cache derrière tout ça. Et je suis vraiment touchée qu’elle accepte de m’accorder une entrevue, que je vous partage ici. C’est en toute honnêteté et dans un témoignage rempli de vulnérabilité qu’elle parle aussi de sa famille.
À sa demande, j’ai accepté de continuer à l’appeler « Madame Avec pas de filtre ». C’est autant par respect pour ses proches que pour elle que je n’ai pas insisté pour en dévoiler son identité.
D’abord, bonjour. C’est un peu étrange de faire ça comme ça puisque c’est une entrevue par courriel, mais j’ai envie de te demander de te présenter en quelques mots.
Aujourd’hui, j’enlève mon masque de madame comique et j’vous fais un p’tit « selfie »… et ce n’est pas facile!
Je suis la maman de 2 charmants enfants. Graphiste à mon compte, j’écris et je dessine les absurdités de mon quotidien, et ce, sans filtre! Je ne suis pas habituée à parler de moi, ma petite personne! Je suis meilleure pour parler des autres!
On ne se connait pas en vrai, alors j’aimerais beaucoup savoir ce qui t’a poussée à commencer Avec pas de filtre.
À dire vrai, ce sont mes amis qui m’ont poussé à le faire, j’ai trop pas confiance en moi pour faire ça toute seule! Moi, je m’amusais à raconter des tranches de vie sur Facebook et j’illustrais le tout avec mes p’tits bonhommes. N’étant pas très « selfie » je préfère mettre des dessins que des photos! Je crois que c’était, en quelque sorte, ma thérapie! Si ça pouvait faire rire quelqu’un, c’était peut-être parce que quelqu’un, quelque part, se reconnaissait un peu dans mon quotidien? Je crois que ça me rassurait, de savoir que je n’étais pas la seule à vouloir foutre le feu à ma maison plutôt que de m’attaquer au ménage! Rapidement, les amis de mes amis ont suivi ma page, puis les amis des amis… et ça a un peu dégénéré, parce qu’il y a plus de 740 personnes, juste sur Facebook, qui s’amusent à rire de ma famille! Et j’adore ça!
On comprend rapidement que tu as un coco qui a reçu un diagnostic de syndrome de Gilles de la Tourette. Comment Gilles est entré dans votre vie? Est-ce que vous connaissiez un peu ça avant que votre fils reçoive son diagnostic?
Gilles a toujours fait partie de notre garçon, on ne savait juste pas qu’il avait un nom! Mis à part qu’un Tourette ça dit des gros mots (ce qui n’est pas nécessairement la réalité!) on ne connaissait rien pantoute de ce syndrome.
Disons que fiston n’a pas toujours été facile… Très très très intense je dirais, même! On a travaillé fort avec lui, lu beaucoup de livres, pris les conseils de tout le monde, appliqué les techniques de « super Nanny », on a essayé d’être ferme, d’en laisser passer, bref, on a tout essayé! Finalement, je me suis écroulée d’épuisement dans le bureau du doc et il nous a envoyé de l’aide. Un diagnostic, une médication appropriée et de l’aide du CLSC. Ce fut un énorme soulagement pour nous, mais surtout pour garçon! Lui-même avait demandé, du haut de ses 5 ans, pourquoi il avait des tics… Nous, ça ne nous avait jamais dérangé. On est un peu niaiseux, aussi, parce que quand il clignait des yeux, on associait ça à des allergies. Alors on s’est acharné pendant des mois à guérir ses cristies d’allergies! On se battait 2 fois par jour pour lui mettre des gouttes. Pôpa qui s’assoyait dessus, lui tenant les pattes, moi j’lui coinçait la tête avec mes genoux, pis j’essayais de lui enligner des gouttes! C’était beau à voir.
Oui, le diagnostic a été un soulagement. Parce qu’on avait enfin LE bon coffre à outils et on pouvait arrêter de lui mettre des gouttes! On a vite réalisé qu’un diagnostic ce n’est pas pour sacrer une étiquette dans le front de ton enfant, mais ça t’indique comment son cerveau fonctionne!
Je vais être très honnête avec toi, ça me met un peu mal à l’aise de parler du syndrome de mon garçon. Parce que je me bats au quotidien pour qu’il ne se sente pas différent. Ou plutôt pour qu’il réalise qu’il est comme il est, que les autres ont leurs syndromes à eux (diagnostic ou pas!) et qu’il faut s’assumer et s’accepter. Plutôt que de parler du côté lourd, je préfère raconter des anecdotes drôles. Je vois peut-être la vie avec mes lunettes roses, mais je trouve que c’est plus facile de passer au travers ainsi!
À la maison, au quotidien, qu’est-ce que ça implique de vivre avec Gilles? Et à l’école? Il y a des adaptations?
Hé boboy! Ça implique un gros truck de patience! Non, pour vrai, des fois je me dis que je mérite d’être canonisé, parce qu’il faut être des Saints! Au-delà des tics qui, pour garçon, sont quand même assez minimes, il y a tout un monde de particularités qui sont différentes pour chacun. Fiston, lui, en particulier, fait des crises. Il vire bout pour bout et n’arrive même plus à se comprendre lui-même. Mais il a toujours été comme ça, alors ça n’a rien changé au quotidien. Ce qui a changé c’est notre façon d’intervenir. On ne s’acharne plus à lui demander pourquoi il agit ainsi, à essayer de lui faire réaliser que c’est mauvais de se fâcher, à le punir pour ses crises, etc. On sait, maintenant que c’est hors de son contrôle et que son cerveau disjoncte. Alors on l’accompagne. Souvent, pendant ses crises, il hurle « laisse-moi tranquilllllllleeeee! », mais il s’agrippe à notre jambe. C’est difficile pour un petit bonhomme de gérer toutes ces émotions. Mais honnêtement, c’était bien plus difficile quand il avait 2 ou 3 ans! Maintenant qu’il prend de la maturité, il est capable de se retirer quand il sent que ça monte et essaie de se contrôler le plus possible. Il travaille fort mon p’tit poulet! …
…Surtout à l’école! Il se retient ééénormément. Et c’est en revenant que ça explose. C’est correct. On le sait, maintenant que de 15h à 16h, c’est de la marde. Mais une fois que ça a passé, la vie est belle.
Tu sais, le plus difficile, c’est les autres. Honnêtement je m’en contre criss (oups!) de ce que les gens pensent. La madame au restaurant qui trouve que mon gars n’est pas patient et qu’il gigote trop à son gout. La voisine qui ne comprend pas que la routine de mon gars ne doit pas sortir de sa track et qui envoie son enfant sonner chez nous à 19h30 un mardi soir, quand il sort de la douche et qu’on commence à lui lire une histoire… La vieille matante fatiguante qui pense qu’il fait exprès de se craquer le cou… Les gens et leurs jugements…. J’pu capable!!!!
Le jour où la société va accepter que tout le monde, diagnostic ou pas, est différent, boyeu que ça va bien aller!
La suite de l’entrevue avec Madame Avec pas de filtre dans la deuxième partie par ici.
Je remercie chaleureusement Madame Avec pas de filtre de s’être prêté au jeu. La vie quotidienne est toujours remplis d’imprévus et participer à une entrevue comme celle-ci demande beaucoup d’introspection et de temps.
J’ai été très émue de lire ce qu’elle a accepté de livrer ici et j’espère que vous avez autant apprécié que moi.
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