Quand on a des enfants « différents », on fait vite la rencontre de différents intervenants, tant en milieu scolaire que dans des centres de réadaptation. S’il en est une qui est rentrée dans notre vie rapidement, c’est la technicienne en éducation spécialisée (TES) alors que mon deuxième n’avait que 3 mois.
À chaque semaine, avec un groupe de parents et enfants, on se rassemblait pour faire des exercices de stimulation précoce de groupe. Ces rencontres étaient animées par deux TES.
Avec le temps et les évaluations, nous avons aussi eu à recourir aux services d’une TES dans la vie de mon grand. Celle-ci a pour mission de l’aider à mieux s’autoréguler à l’école. Elle intervient auprès de lui pour l’aider à implanter les outils recommandés par l’orthophoniste.
Il allait donc de soi que tôt ou tard, je prenne le temps de faire une entrevue avec une TES. Et j’ai pris soin d’en choisir une qui rayonne sur ses réseaux sociaux. Sa personnalité, sa créativité et sa couleur m’ont interpellée. Je vous présente donc Stéphanie Ouellet.
Si je te demandais de te présenter en quelques mots. Qui se cache derrière Dans la peau d’une TES?
Je suis TES en milieu scolaire depuis 5 ans. Ça m’a permis de travailler autant en classe d’adaptation scolaire que comme TES plancher avec des élèves de tous les niveaux du primaire.
En parallèle, pendant mes quatre premières années, j’étais aussi intervenante de fin de semaine dans une maison d’hébergement jeunesse pour adolescents.
J’ai aussi géré pendant quatre étés un camp de jour communautaire qui permettait à des jeunes issus de milieux défavorisés de vivre l’expérience du camp de jour.
Je suis une fille passionnée par son travail assez touche-à-tout. J’aimerais éventuellement aller enseigner aux futurs TES. C’est comme ça que l’idée de Dans la peau d’une TES est née. Je discutais avec une amie enseignante qui partage du matériel et son quotidien sur Instagram et j’adorais la suivre. J’ai lancé l’idée de faire pareil et 10 minutes plus tard j’avais une page!
Avec le recul je suis vraiment contente d’avoir lancé cette page sur un coup de tête parce qu’elle me permet de partager ma passion et peut-être d’aider un peu de gens dans leur quotidien, au travail ou à la maison.
Je crois que l’incontournable [de notre métier] c’est vraiment le contact avec les élèves, de profiter de chaque moment et de chaque opportunité pour créer, entretenir et maintenir nos liens avec eux. Ce lien est un outil important pour notre travail. – Stéphanie Ouellet, TES en milieu scolaire
Le travail de TES est à la fois très vaste et assez mystérieux. Si tu avais à décrire ce que c’est, comment le ferais-tu?
Je commencerais par dire qu’effectivement c’est un travail très vaste puisqu’il peut être tellement différent d’un milieu à un autre, d’une clientèle à une autre et d’une TES à une autre.
Je pense que le point commun qui engloberait tout est le fait que le travail d’éducatrice spécialisée est d’accompagner des personnes vivant des difficultés variées. Ça reste très vaste mais ce métier a tellement de dimensions qu’il serait impossible de le définir en peu de mots.
Je pense que l’on pourrait dire que le travail de TES c’est de l’adaptation. Il faut s’adapter aux gens que l’on aide, aux différents milieux, aux différentes façons de faire.
C’est aussi d’être présent pour nos clients peu importe leurs difficultés, leurs crises, leurs angoisses et la violence. C’est croire que nos interventions, notre soutien et nos encouragements font une différence. Il faut aussi s’adapter constamment parce qu’un jour ça fonctionnera mais le lendemain non. Les difficultés reviennent et il faut relever nos manches pour trouver de nouvelles façons d’intervenir et d’aider.
Tout ça parce qu’il n’y a pas de recette miracle pour régler les problèmes, alors on devient de vraies encyclopédies à solutions créatives.
C’est vague, c’est challengeant, c’est parfois difficile mais c’est tellement gratifiant.
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Quels rôles particuliers ont les TES en milieu scolaire? Comment en viens-tu à intervenir auprès d’un jeune?
Dans le rôle d’une TES en milieu scolaire il y a de nombreuses choses:
- offrir du soutien académique et/ou comportemental en classe pour un ou plusieurs élèves;
- planifier et animer des activités d’habiletés sociales adaptées selon le niveau;
- faire des suivis individualisés avec certains élèves quotidiennement;
- assurer une présence aux récréations afin de faire des résolutions de conflits;
- et, entre tout ça, répondre aux urgences.
Une urgence, ça peut être un élève qui refuse de collaborer, des crises, des gestes de violence ou autres. C’est pourquoi je suis amenée à intervenir dans toutes sortes de contexte.
On est aussi souvent des personnes significatives pour les jeunes. Ils viennent discuter avec nous de ce qu’ils vivent pour avoir des conseils ou simplement pour avoir quelqu’un qui les écoute. On est confidentes, accompagnatrices, médiatrices, coiffeuses, etc.
On dit souvent à la blague que dans le domaine de l’intervention on s’identifie beaucoup à la fameuse expression « toute autre tâche connexe ». Et, croyez-moi, il peut y en avoir beaucoup de tâches connexes!
À quoi ressemble une journée typique dans ta vie de TES? Quels sont les incontournables?
Je commencerais par dire que dans le milieu scolaire, il n’y a pas vraiment de journées typiques. La seule chose qui est certaine, c’est l’heure à laquelle je commence à travailler.
On forme l’équipe d’intervention donc quand quelque chose ne fonctionne pas, on est immédiatement sollicités. C’est pourquoi une journée typique, ça n’existe pas.
Comme je l’ai mentionné, il y a beaucoup de possibilités de choses à faire dans une journée et c’est très différent d’une journée à l’autre.
Comme je suis TES sur le plancher, les tâches sont encore plus variées que si j’étais TES dans une classe d’adaptation scolaire, par exemple.
Au niveau des incontournables, c’est difficile à dire, mais je crois que l’incontournable c’est vraiment le contact avec les élèves, de profiter de chaque moment et de chaque opportunité pour créer, entretenir et maintenir nos liens avec eux. Ce lien est un outil important pour notre travail.
Quel serait ta plus grande réussite en carrière? Et ton plus grand défi?
Ma plus grande réussite en carrière, qui ne fait que commencer, se rapporte à un élève en particulier.
J’ai eu la chance de travailler avec lui pendant un an et demi dans son école.
Je me rappelle encore au début à quel point je trouvais ça difficile de créer un lien significatif avec des enfants. Ce l’est encore plus quand ils ont été blessés dans leur passé et que leur confiance envers les adultes est ébranlée.
Au fil des semaines et des mois, j’ai réussi à établir avec lui un lien de confiance très grand et il a énormément évolué et cheminé. Je dirais que cette expérience ma plus grande réussite. Durant cette année et demie, j’ai fait une différence pour lui et il en a fait une pour moi.
On apprend plein de choses aux jeunes qu’on côtoie, mais eux aussi nous en apprennent.
Ce jeune-là m’a grandement appris sur la résilience. Il aura toujours un rôle spécial pour moi.
Pour ce qui est de mon plus grand défi, je dirais que c’est le détachement.
En milieu scolaire, les postes sont précaires et on peut changer d’école à chaque année. C’est quelque chose que je trouve extrêmement difficile parce que je suis une intervenante très axée sur le relationnel avec mes élèves. Je m’intéresse à eux et je les connais bien. J’ai beaucoup de mal avec le fait de devoir quitter ces élèves pour recommencer à zéro. Comme ça fait partie de la réalité du domaine que j’ai choisi, j’essaie de m’endurcir parce que je sais que c’est une situation qui peut m’arriver encore souvent avant que je puisse profiter d’une stabilité assurée dans mon poste.
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Qu’est-ce qui t’as inspirée à choisir ce domaine-là?
Je ne sais pas trop. Je pense que j’ai toujours eu ça en moi, j’étais le genre d’enfant qui donnait son lunch quand un autre élève n’en avait pas ou qui allait vers les enfants seuls pour ne pas qu’ils le soient.
Par contre, ça m’a pris un certain temps avant de me lancer sur cette voie… Un diplôme d’études collégiales et une année universitaire plus tard, je me rendais compte que je n’étais pas heureuse et je suis retournée au cégep pour enfin trouver ce pour quoi j’étais faite.
Ça semble un peu prétentieux mais honnêtement j’ai su en commençant mes études en éducation spécialisée que ce métier était pour moi.
Je pense que quand tu n’as pas l’impression de travailler, tu réalises que tu as choisi le bon métier!
Dans ta vie personnelle, que fais-tu pour décrocher? Arrives-tu à oublier les moments difficiles de ta journée quand tu reviens à la maison? Comment?
La première chose qui m’aide à décrocher de ma journée c’est le trajet de retour dans ma voiture. Je mets de la musique qui me permet de chanter et c’est fou comme ça défoule une bonne chanson chantée fort dans l’auto!
Sinon je dirais que dans ma vie personnelle je décroche grâce aux personnes qui m’entourent. Ils sont nombreux à travailler dans le milieu scolaire, alors ils connaissent aussi ma réalité et c’est aidant quand vient le moment de ventiler lors des journées plus difficiles, pour passer à autre chose et être prête à recommencer à neuf le lendemain.
Comment prends-tu soin de toi au quotidien?
Je te dirais que je prends soin de moi en m’écoutant, en étant attentive par rapport aux messages que mon corps et ma tête m’envoient, en faisant des choses que j’aime et qui me rendent heureuse, tout simplement.
Et si je te laissais le mot de la fin?
Merci de m’avoir choisie afin de parler un petit peu du métier merveilleux qui me passionne.
Pour en connaitre plus sur Stéphanie Ouellet et son univers de TES en milieu scolaire, vous pouvez la suivre sur Instagram. Elle y fait plusieurs beaux partages, notamment en stories.
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