Je suis très excitée de réaliser cette entrevue avec Cindy Lamontagne.
Nous ne nous sommes jamais rencontrées dans la vraie vie. Je sais très peu de choses sur elle et pourtant, j’ai l’impression que nous connectons bien.
Sur les réseaux sociaux, elle rayonne.
Je ne saurais dire exactement où je l’ai croisée en premier, mais nos chemins se croisent un peu partout : groupes, pages, différents médias.
Bref, il m’a semblé tout naturel de la questionner sur son entreprise prônant la neuroinclusion et sur son parcours de femme et de maman.
Cindy Lamontagne: maman et Happy-Cultrice neuroinclusive
D’abords, bonjour. Question de briser la glace pour cette entrevue par courriel. Pourrais-tu te présenter en quelques mots?
Salut! Bien sûr! Je m’appelle Cindy, je suis ce que j’appelle une Happy-Cultrice. Jeune trentenaire, j’ai une joie de vivre contagieuse. Je suis aussi maman de 3 enfants dont 2 neuroatypiques. Je cultive le bonheur en entreprise via des solutions concrètes sur-mesure en entreprises en considérant les besoins et envies des employés en favorisant entre autre la neuroinclusion, ma mission.
Le mot neuroinclusion peut faire peur. En quoi ça consiste? Pourquoi t’y intéresses-tu autant?
Parce que je suis moi-même neuroatypique et que j’ai vécu la discrimination liée à ma différence. Je suis ce qu’on appelle ‘TWICE’, soit douance + TDAH.
Après avoir travaillé presque 8 ans dans une entreprise ou ma différence n’a jamais été un problème, j’ai changé pour me rapprocher de mon domicile étant donné que j’avais maintenant deux jeunes enfants en plus (mon plus grand est à l’école). Le choc a été violent, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais après deux échecs liés à la discrimination de ma différence dans des milieux très rigides, j’ai décidé que c’en était assez, que les choses devaient changer. Les gens neuroatypiques font peur, parce que l’entreprise classique n’est pas adaptée pour notre fonctionnement hors cadre. Toutefois, avec la pénurie de talents, les entreprises gagnent en intérêt de les inclure car nous représentons près de 20% de la population et nous ne comptons pas les gens non-diagnostiqués!
Apprends le ‘slowliving’, respire. La vie est belle. Hakuna Matata! – Cindy Lamontagne
Donc tu as une entreprise, Cultura Coaching. Tu te définis aussi comme Happy cultrice. Peux-tu expliquer un peu ce que c’est tout ça?
Avec joie! Une Happy Cultrice, ça cultive le bonheur. J’y arrive par une adaptation des méthodes, de l’inclusion, de la formation, des rencontres de coaching, des ‘reality-check’ et de l’éducation. L’humain est ainsi fait, hélas, il a souvent peur de ce qu’il ne connaît pas! Donc moi j’arrive avec ma joie communicative, ma créativité, mon expertise RH (note de Karine: ressources humaines) de plus d’une décennie et ma grande facilité à créer des liens. Le tout est amalgamé en humour, professionnalisme et dans toute mon atypie. Je ne suis pas la consultante RH classique, mais je suis clairement efficace pour instiller le bonheur où je passe, tant et aussi longtemps que la Direction est prête à me suivre!
Découvrir son propre diagnostic à travers celui de son enfant
Si j’ai bien compris, tu as reçu un résultat de douance quelques temps après ton fils. Peux-tu expliquer ce qui ta poussée vers l’évaluation pour toi? Pour ton fils?
Exactement! J’ai reçu mon propre diagnostic de douance à l’âge de 30 ans. Cela fait maintenant 3 ans.
Tout a débuté lorsque mon premier fils, Matteo, vivait des problèmes en classe. Sa prof de 1ère année croyait qu’il trichait car il n’écoutait jamais, dérangeait toujours mais avait de bons résultats.
Étant aussi le plus jeune de sa classe, il commençait à perdre son estime de lui à cause des réprimandes de sa professeure. C’est ce qui m’a poussée à consulter.
Et s’ensuit la batterie de tests, les discussions avec la neuropsy, toute la ‘patente’! En discutant avec elle, elle m’a dit soupçonner une douance chez moi aussi. Comme elle avait évalué mon fils, elle m’a guidée vers une collègue. Le diagnostic n’a pas été long à avoir : Douance profil hétérogène. Toutefois, celle-ci n’avait pas vu mon TDAH. J’ai dû refaire des tests cet été et le verdict est tombé; c’était un TWICE, et non une douance seule. Mon fils en revanche, a une douance plus trouble d’opposition.
Y a-t-il d’autres membre de ta famille vivant avec des particularités? Lesquelles?
Oui, mon deuxième fils de 4 ans. Celui-ci est aussi TWICE. Je pense que ma mère aurait aussi une douance, toutefois elle ne veut pas aller consulter car elle dit ne pas en avoir besoin à son âge. Nous n’avons donc pas de confirmation pour elle si elle l’est réellement ou pas.
Vivre ensemble
Une journée typique pour une maman Happy-Cultrice, ça a l’air de quoi?
Oufff…. Pas reposant, ça c’est clair.
Un des feelings du TWICE est d’avoir le cerveau toujours en mode ‘urgence’… je ne compte plus les fois où je me suis levée le matin, fatiguée, car mon cerveau avait continué son cheminement de pensée durant mon sommeil. Aussi bien dire que ce n’est pas super réparateur. Je suis toutefois chanceuse car je n’ai aucune misère à m’endormir.
Aussi, considérant notre différence familiale, nous avons besoin d’un minimum de routine. Mais la plupart du temps, nous fonctionnons par checklist.
Mon mari est scaphandrier donc les matins, je suis seule avec mes 3 mousses. Les soirs, j’ai souvent de l’aide de mes beaux-parents qui ramassent les deux minis et les font souper.
Entre ces deux plages horaires, je vais chez mon client principal quelques jours par semaine et le reste du temps j’essaie de maximiser entre les cafés d’affaires, développement de produits, projets (parce que j’en ai encore 1000 en tête pour 2020!! Watch out, ça va être chouette pour la neuroatypie!!). Je pensais aussi commencer à plancher sur une machine à stopper le temps pour me permettre de travailler plus, mais bon. Je n’ai pas encore trouvé la recette de la Caramilk, donc pour la machine on repassera…
Et le beau. Qu’est-ce que vos différences vous apportent de beau? Pour toi? Pour ta famille?
Au début, j’étais sous le choc. Je savais que j’étais différente, je me suis toujours sentie si ‘awkward’, toujours comme si je ne fittais jamais à 100%. Toutefois, depuis mon diagnostic et l’aide précieuse de ma psy, j’apprends à m’aimer telle que je suis. Je me suis découverte des forces que j’avais jusqu’ici refoulées pour arriver à me fondre dans le moule social.
Depuis que je m’assume telle que je suis, je suis tellement heureuse et entière. Je crée, j’innove, je fais une différence. Même chose pour mes enfants. Mon mari a dû s’adapter un peu car il est neurotypique, mais il a tellement lu sur le sujet, sur comment mieux élever nos enfants en fonction de leurs différences et la réalité, même si elle n’est pas parfaite, est juste parfaite pour nous. On y arrive, un jour à la fois, on se tient serrés, on s’aime, et on veut faire la différence pour nos pairs. Parce qu’on a tous notre place au soleil.
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Pour rester dans le thème du beau. Quelles sont les plus grandes qualités de tes enfants? Celle qui les rends vraiment spéciaux à tes yeux?
Matteo est l’enfant le plus altruiste et humain que j’ai côtoyé. Il veut toujours le bien de tous, il ne voit qu’un humain. Aucune différence, couleur de peau, ethnie, religion, genre, handicap ou pas, pour lui, s’il peut faire la différence dans la vie de quelqu’un, il le fera même si c’est juste un sourire. Il est aussi ce que j’appelle ‘une vieille âme’. Très mature, parfois trop pour ses 10 ans tous récents.
James, mon grand de 4 ans, est incroyablement travaillant et vaillant. Toujours prêt à aider, toujours rieur et moqueur, coquin, il est tellement attachant. Il rit toujours. C’est mon bébé in vitro, et je me considère extrêmement choyée que la vie m’ait octroyée cet enfant-là. Il arrive à mieux verbaliser que moi à son âge, et je vois comment cela l’aidera.
Quant à ma petite dernière, Elizabeth, elle aura 3 ans en février. C’est ma petite princesse. Elle a une ténacité impressionnante. Elle est toute minuscule comparée au reste de la famille (il faut savoir que je mesure 5’9 et demi, son père 6’, ses frères 5’1 (10 ans) et 4’ (4 ans)) mais elle n’a peur de personne, elle sait s’imposer et c’est une leader.
Mais après deux échecs liés à la discrimination de ma différence dans des milieux très rigides, j’ai décidé que c’en était assez, que les choses devaient changer. Les gens neuroatypiques font peur, parce que l’entreprise classique n’est pas adaptée pour notre fonctionnement hors cadre. – Cindy Lamontagne
Prendre soin de l’humaine
Avant d’être une maman, tu étais une femme. Est-ce que tu prends le temps de prendre soin de toi au quotidien? Comment?
Actuellement, c’est cahoteux un brin. Toutefois, j’ai un mari vraiment adorable qui me permets de prendre tout le temps nécessaire. Nous avons passé un gros orage après mon diagnostic, donc une dépression après mes deux échecs reliés à la discrimination en entreprise. Le tout a failli nous coûter notre mariage. Mais il s’est accroché et me permets de prendre le temps nécessaire pour me décompresser des surcharges quotidiennes. Juste ça, c’est ‘priceless’. Que ce soit un café avec une amie, un soin en esthétique (mon dada), me retirer seule dans mon bureau à la maison pour lire ou travailler sur Cultura, il m’aide en faisant de bons repas, en s’occupant des enfants dès son arrivée – bain et dodo inclus-, en m’aidant avec la maisonnée…
Est-ce qu’il y a quelque chose que la maman d’aujourd’hui aimerait dire à la maman d’avant?
Oh que oui. ‘Laisse tomber ce masque pour ressembler à tout le monde. Et cesse de vouloir être parfaite à tout prix.’ Ce n’est pas grave s’il y a des miettes sur le plancher une journée ou deux. Ce n’est pas plus grave si le linge propre repose sur le sofa en mode ‘plié en 3 à 10 jours ouvrables’. Ce n’est pas grave non plus si ma maison n’est pas une copie Pinterest tout de suite. Apprends le ‘slowliving’, respire. La vie est belle. Hakuna Matata!
Inclure pour colorer le monde
Et si je te laissais le mot de la fin?
Que les gens neuroatypiques sont une véritable force, si on leur donne l’opportunité d’ouvrir leurs ailes. On tente de les enfermer dans un carcan carré où tous devraient ‘fitter’ et je trouve cela déplorable, car nous en souffrons. Ce n’est pas une souffrance comme une coupure ou un bras cassé. Mais à moyen-long terme, la dépression, le burn-out et l’écroulement nous guette. Il faut adapter, modifier la façon de la société de voir les choses et de les gérer. L’humain est magnifique et l’humanité est faite pour être en couleurs, pas beige/brun comme les bas d’un comptable. 😊
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