On parle beaucoup de la stimulation précoce comme de quelque chose d’essentiel pour les enfants vivant avec la trisomie 21. Ce n’est pas un mythe. En fait, plus on offre des services à un jeune âge, plus l’enfant peut développer son plein potentiel. Il faut aussi que ces services soient faits en continu, idéalement. Ça aide énormément à ce que les acquis soient consolidés. Voici l’histoire d’un dossier fraichement fermé: les rencontres de physiothérapie.
Difficile dès le début
Une chose que j’ai apprise suite au diagnostic de mon 4 ans, c’est que la DI ne serait pas son plus grand défi. Non. En fait, la DI, on vit assez bien avec ça pour l’instant. C’est plutôt la ronde des spécialistes qui peut devenir lourde. Surtout le côté accès aux services en fait. On se rend compte que même si ça devrait être simple, rien ne l’est. Et ce n’est pas différent pour la physiothérapie.
Des références rapides
Quand notre fils est né, plusieurs références ont été faites sans qu’on ait vraiment à le demander : cardiologie, génétique, bilan sanguin, etc. Puis j’ai rencontré un groupe de parents qui m’ont aussi suggéré de faire les démarches pour être sur la liste d’attente des orthophonistes, ergothérapeutes et physiothérapeutes.
Mère naïve que j’étais, je croyais que certaines choses étaient automatiques suite à un diagnostic « simple » comme la trisomie 21. Genre, tu vas avoir besoin de ça, ça, ça, c’est sur donc on fait les références en batch. Mais non. C’est pas comme ça que ça fonctionne.
Et d’autres moins
J’ai dû aller voir notre pédiatre et la supplier pour avoir les références. Celles-ci seraient la clé pour mettre le nom de notre fils sur des listes d’attente.
Une fois qu’on a eu ce petit bout de papier, j’ai fait des téléphones au centre de réadaptation. On m’a répondu que c’était l’hôpital qui prenait d’abord en charge. En appelant l’hôpital, on m’a dit que puisqu’on avait déjà un dossier ouvert au centre de réadaptation ils ne pouvaient pas nous mettre sur les listes. Tsé les 12 travaux d’Astérix? C’est ça!
Ma naïveté a foutu le camps en quelques semaines je vous le dis!
Honnêtement, après la réponse du monsieur de l’hôpital, j’ai pleuré un peu (pas mal) au téléphone. J’ai demandé au gars qu’est-ce que j’étais sensée faire pour la stimulation précoce. Le centre de réadaptation n’avait même pas de physiothérapeute, ergothérapeute et orthophoniste! (Je peux à peine croire que j’écris ça, mais c’est bien la réalité.) Est-ce que je devais apprendre tout ça par moi-même? Il a accepté de mettre le nom de mon fils sur les listes d’attente.
Fermeture de dossier
Et on est allé à l’hôpital environ une fois par mois pour voir une ergothérapeute et une physiothérapeute qui réévaluaient notre fils et nous donnaient des trucs pour l’aider dans son développement.
À ce moment-là, c’était moi qui était la thérapeute dans le fond. J’étais celle qui assurait la continuité, comme c’est le cas pour la plupart des parents d’enfants vivant avec la trisomie 21. Je peux même dire que je fais partie des privilégiés parce que bien souvent, avant 1 an, il n’y a rien du tout.
Puis le dossier a été ouvert dans un centre de réadaptation physique qui prenait le relais de l’hôpital. Il ne nous restait plus rien en services d’ergothérapie et le dossier orthophonie fermait avant même de commencer. J’étais hors de moi. J’ai fait une plainte qui n’a rien changé réellement.
Pour ce qui est de la physiothérapie, c’était un cours de groupe en piscine. Un truc bien loin de ce que je m’attendais comme service professionnel. Aucun conseil personnalisé n’était donné, juste des activités dans l’eau.
Mon fils aimait bien ça, mais je trouvais qu’on n’avançait à rien. Peut-être que j’avais trop d’attentes ou ma naïveté était complètement disparue, mais ça ne me convenait pas.
Épisodes de services
Une façon de faire pour « aider » le plus grand nombre d’enfants possible quand les ressources sont limitées est de créer des cours de groupe comme ce qu’on avait vécu en piscine ou encore gérer les dossiers par épisodes de services.
Dans cette façon de faire, l’enfant se retrouve à recevoir un bloc de quelques sessions de thérapie. Le spécialiste peut donc faire un petit bilan pour cibler où l’enfant est rendu, faire quelques sessions et donner des conseils au parent pour la suite des choses.
Le problème avec l’épisode de service, c’est qu’on n’évalue pas vraiment si l’enfant a vraiment atteint son objectif avant de cesser les rencontres. On vise plutôt à laisser la chance au plus grand nombre d’enfants d’accéder aux services. Je considère que mon fils aurait beaucoup plus bénéficié de rencontre en continue que par blocs.
Je suis triste de voir que son dossier de physiothérapie soit fermé aussi tôt malgré ses besoins évidents. Mais je serai là pour lui, pour l’aider du mieux possible.
Des défis plus grands que les services fournis
Mon coco manque de tonus musculaire, il a besoin de renforcer les muscles de son tronc.
Si je prends l’exemple d’une personne typique qui voudrait développer ses muscles abdominaux. Elle n’irait pas au gym juste une fois par semaine pendant 8 semaines pour y arriver. Elle irait au gym 3-4 fois par semaine, jusqu’à ce que ses muscles soient bien développés, sans se questionner réellement sur le temps que ça allait prendre pour y arriver.
C’est un peu la même idée pour mon garçon.
Il a besoin de travailler plus fort qu’un enfant typique pour développer ses muscles, il a besoin d’exercices variés et réguliers. Il va toujours manquer de tonus, mais ce manque peut diminuer en travaillant correctement. Comme je ne suis pas physiothérapeute, je ne suis pas en mesure de lui concevoir un programme d’entrainement entre les épisodes de services. Encore moins maintenant d’ailleurs.
C’est la fin des services
Cette semaine, j’ai reçu l’évaluation finale de mon garçon.
À quatre ans, dans mon secteur, c’est la fin des services de physiothérapie.
Donc à 3 ans et 11 mois, la physiothérapeute nous a rencontré pour la dernière fois pour faire un bilan. Elle a fait faire certains exercices à mon coco pour le classer par rapport aux autres enfants de son âge. En lisant le rapport, je me rends compte que malgré tous ses progrès et ses efforts, mon garçon est bien loin d’avoir atteint le même niveau de développement qu’un autre enfant de son âge. Il se développe bien, il progresse à chaque jour, à chaque semaine, à chaque mois, mais l’écart se creuse de plus en plus avec les enfants de son âge. Malgré tout ça, il n’aura pas droit à des services supplémentaires en physiothérapie.
La fermeture de son dossier de physiothérapie, alors qu’il lui reste tant à faire pour être de niveau avec un enfant de son âge, je le vois un peu comme une gifle au visage. J’ai l’impression que sans aide extérieur, il ne pourra jamais accomplir son plein potentiel et ça m’attriste énormément. Ça n’enrage même par moments.
Voir les spécialistes au privé, la seule solution?
Si je veux avoir des outils pertinents pour l’aider, je devrai aller consulter au privé. C’est ça la réalité. C’est notre réalité et celle de nombreuses familles.
Ce n’est pas inscrit dans le rapport si notre fils aurait pu progresser plus vite s’il avait eu plus de rencontres ou si les rencontres avaient été en continu à un plus jeune âge. Par contre, dans les recommandations au dossier, il y a de continuer les services. Selon la physiothérapeute il bénéficierait grandement d’être suivi en continu pour l’aider dans son développement moteur global et augmenter sa force et son équilibre. Mais ça, ce n’est pas suffisant pour que les services puissent être poursuivi au centre de réadaptation, parce qu’il a atteint l’âge de 4 ans et que son diagnostic principal est la trisomie 21.
Début d’un nouvel épisode
Alors je vais commencer par regarder ce qui se passera avec les élections. Je scruterai les nouveaux budgets accordés dans les services aux personnes handicapées et ayant une déficience intellectuelle. Je vais voir si le gouvernement qui sera en place s’intéressera aux demandes des parents d’enfants comme le mien.
Si rien ne fonctionne, je referai sûrement ensuite les mêmes démarches que j’ai déjà faites dans le passé. C’est-à-dire contacter mes élus, me joindre à d’autres parents et voir ce qui peut être fait pour soutenir les familles comme la mienne.
Et entre temps, pour ne pas abandonner mon coco, je vais continuer à trouver le plus de moyens possibles pour le stimuler et lui permettre d’acquérir la force et l’équilibre qui lui manquent pour avancer. J’irai sûrement consulter au privé à l’occasion, parce qu’il a besoin de services de physiothérapie, d’encadrement et d’outils pour l’aider dans sa motricité globale.
Je suis triste de voir que son dossier de physiothérapie soit fermé aussi tôt malgré ses besoins évidents. Mais je serai là pour lui, pour l’aider du mieux possible.
Et vous? Entreprenez-vous des démarches quand vous avez l’impression que vos enfants font face à de l’injustice?
- Ce billet se voulait au départ plus court et plus axé sur le fait que mon fils avait encore beaucoup à faire pour se développer. Et au fil des mots, ça s’est transformé et j’ai décidé de laisser ça comme ça. Malgré la longueur du texte et certaines références aux lacunes du système, je pense qu’il est important que je saisisse parfois la tribune que j’aie pour écrire noir sur blanc notre réalité de famille, mais aussi celle de milliers de familles dans des situations similaires. Si vous êtes rendus ici de toute façon, il est fort à parier que vous savez exactement de quoi je parle. Ensemble, on est plus forts.
[…] d’apporter plusieurs documents. À travers ceux-ci, il y avait des rapports de spécialistes (physiothérapeute, ergothérapeute, orthophoniste), des papiers officiels (certificat de naissance, etc.) et on m’a […]